La dette de vie – Itinéraire psychanalytique de la maternité

de Monique Bydlowski, PUF Editions, 2008

Dans cet ouvrage l’auteure fait état de ses recherches cliniques et psychanalytiques sur la maternité.

Dans un premier temps elle définit les modalités de son travail, long de plusieurs années au sein de la maternité de Clamart, au près du personnel soignant et des patientes, travail et place auxquels elle attribue une fonction de « paratonnerre » de l’angoisse des uns et des autres.

Elle passe ensuite en revue diverses coutumes autour de la naissance et illustre à travers celles-ci combien l’enfantement n’est pas un phénomène aussi naturel que chez les autres espèces animales.

Sa définition du concept de « névrose traumatique postobstétricale » s’étaye sur une dizaine de cas cliniques et montre combien cette pathologie prend ses racines dans l’histoire de l’accouchée, au-delà de l’aspect traumatique de l’accouchement lui-même. Notamment en cause : les représentations psychiques qui ont pu émerger lors d’un accouchement précédent, notamment le fantasme de la scène primitive et la violence de l’inceste, que ce dernier soit réel ou symbolique.

Dans une deuxième partie, Monique Bydlowski aborde la question du désir d’enfant chez la femme : l’enfant imaginaire, imaginé, fantasmé, apparaît comme un ensemble de représentations qui habitent la future mère, se maillent à son narcissisme et impactent directement les interactions précoces, l’identité et le self de l’enfant.

L’auteure s’attache également à décrire la « transparence psychique » de la femme enceinte comme un fonctionnement psychique maternel particulier, caractérisé par l’abaissement des résistances habituelles face au refoulé inconscient, et marqué par un surinvestissement de son histoire personnelle et de ses conflits infantiles. Cet état ouvre la voie aux représentations traumatiques, d’où une vulnérabilité accrue au cours de la grossesse et du post-partum. Mais il permet aussi un véritable transfert maternel sur l’enfant, on retrouve là la préoccupation maternelle primaire décrite par Winnicott.

La dernière partie du livre traite de l’infertilité, ce « champ-frontière de la médecine ». Par-delà le clivage entre stérilité organique et stérilité psychogène, Monique Bydlowski défend une approche mixte : les consultations se font en binôme, réunissant analyste et gynécologue, et rappellent combien l’infertilité ramène sans cesse à la conflictualité de la sexualité et de la filiation : « En matière de filiation humaine, une dette de vie inconsciente enchaîne les sujets à leurs parents, à leurs ascendants. Pour les futurs père et mère, la reconnaissance de ce désir de gratitude, de cette dette d’existence est le pivot de l’aptitude à transmettre la vie ». La dette de vie est en fait plus particulièrement l’enjeu de la filiation féminine et Monique Bydlowski rappelle qu’il n’y a pas de dette sans hypothèque et que l’hypothèque correspondant à la dette de vie est au fond la nécessité pour la femme de pouvoir se reconnaître identique à sa mère. C’est l’identification à une représentation maternelle originaire qui est en jeu, mémoire de la phase initiale d’attachement tendre et passionné de la mère d’autrefois, celle des premiers soins « la mère faible ». L’auteure montre ainsi combien toutes les questions relatives à la maternité renvoient en premier lieu chaque femme à sa propre naissance, au nourrisson qu’elle a été et à la qualité des soins qu’elle a reçus de sa propre mère.

Par la finesse et la rigueur des analyses qu’il présente, ce livre est une référence très sûre pour les questions de la reproduction humaine et de la psychopathologie périnatale.

Adeline Ducasse