Quand un enfant se donne la mort

de Boris Cyrulnik, Éditions Odile Jacob, 2011

Ce livre est en fait un rapport établi à la demande du Secrétariat d’État à la Jeunesse et à la Vie Associative. Résultat de plusieurs mois de recherches, il fait le point de façon simple, claire et assez exhaustive sur ce qui peut pousser un enfant à se donner la mort. Il propose également des pistes pour une prévention efficace.

Boris Cyrulnik dresse d’abord un état des lieux : il signale le rajeunissement des passages à l’acte, le fait que les petits garçons se suicident plus que les petites filles, et rappelle notamment qu’en France le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15-24 ans, et représentait, en 2008, 3,8 % des causes de décès chez les 5-14 ans. A noter cependant la distinction difficile entre suicide évident et suicide masqué, qui rend l’épidémiologie relativement floue et les données chiffrées globalement sous-estimées.

L’auteur aborde les causes du suicide des enfants dans une démarche systémique : biochimie, neurobiologie, psychologie, psychanalyse, sociologie. Il insiste sur le fait que la nature et la qualité des relations précoces entre l’enfant et son environnement impactent directement le développement de son cerveau. Ce dernier, atrophié en cas de relations insatisfaisantes, capte mal la sérotonine, se trouve ainsi plus démuni, et donc plus fragile face à la tentation suicidaire : « C’est bien la relation précoce qui modifie le fonctionnement cérébral et provoque l’acquisition d’une vulnérabilité ». Il s’ensuit pour l’enfant une insécurité intime, un retrait relationnel à l’école par exemple et un sentiment d’incompétence. Il apparaît d’ailleurs clairement que l’idéation suicidaire naît plus facilement chez les personnalités borderline, chez qui le milieu affectif a laissé se développer une impulsivité auto-agressive.

Boris Cyrulnik préconise des moyens de prévention à différents niveaux : autour de la naissance, de la famille, de l’école et du suicidé. Afin de développer les attachements de l’enfant par des liens sécurisants au sein de la famille, l’auteur souhaite par exemple un renforcement de la prise en charge de la fin de grossesse et du post-partum, avec des congés parentaux, et un développement du secteur professionnel de la petite enfance. Il appelle de ses vœux la création de lieux d’écoute, le retour à une culture des clubs dans les quartiers, une réflexion autour de l’école et plus généralement autour de notre société jugée trop individualiste et dépourvue de rituels d’initiation structurants.

Ce livre offre une vision globale des questions relatives au suicide des enfants et constitue de la sorte un incontournable, d’autant qu’il est le seul à aborder d’une façon aussi complète le sujet.

                                                                                                              Adeline Ducasse