Psychanalyse d’enfants 

de Melanie Klein, Editions Payot, 2011

Dans cet ouvrage qui date du début de sa carrière (1926-1930), Melanie Klein pose les fondements du traitement psychanalytique de l’enfant. Le livre est composé de cinq textes : « Les principes psychologiques de l’analyse des jeunes enfants », « Colloque sur l’analyse des enfants », « La personnification dans le jeu des enfants », « Les situations d’angoisse de l’enfant et leur reflet dans une œuvre d’art et dans l’élan créateur », et « L’importance de la formation du symbole dans le développement du moi ».

Mélanie Klein y formalise une méthode pour psychanalyser les enfants et une théorie des premiers stades du psychisme. En arrière plan, la violente polémique qui l’oppose à Anna Freud permet de sentir l’originalité, l’audace, mais aussi la rigueur de sa démarche. Melanie Klein présente et argumente ses positions point par point. Si, comme le souligne Anna Freud, « L’enfant n’est pas prêt, comme l’adulte, à entreprendre une nouvelle édition de ses relations affectueuses parce que, pourrait-on dire, l’ancienne n’est pas encore épuisée », Melanie Klein ne s’arrête pas à cette observation. Si le patient n’est pas analysable avec la méthode habituelle, il faut modifier la méthode elle-même, l’adapter.

De ce constat découle sa première invention : utiliser la technique du jeu. Dans cette activité spontanée de tous les enfants Melanie Klein voit un équivalent du rêve, et donc une voie d’accès à l’inconscient. En favorisant l’expression fantasmatique de l’enfant, le jeu offre un matériel clinique qui peut alors faire l’objet d’interprétations de la part de l’analyste. L’interprétation peut et doit, selon Melanie Klein, soulager les angoisses, améliorer les relations de l’enfant avec son entourage et produire de nouvelles associations, engageant de la sorte un vrai processus psychanalytique.

L’auteure montre par ailleurs que le complexe d’œdipe et le surmoi apparaissent dès le début de la vie psychique, c’est-à-dire bien plus tôt que ne le pensait Freud. L’enfant est soumis à un surmoi plus féroce que celui de l’adulte. Par conséquent, le renforcer, comme le pense Anna Freud, est pour Melanie Klein une erreur : il faut au contraire l’adoucir et bannir toute approche à dimension éducative. L’interprétation du transfert négatif offre une meilleure voie d’accès au sadisme qui marque fortement l’univers fantasmatique du jeune enfant.

Melanie Klein insiste sur le fait que l’enfant n’amène pas dans la séance ses parents réels, mais les imagos parentales : « L’analyse de très jeunes enfants m’a montré qu’un enfant de trois ans a déjà traversé la partie la plus importante du développement de son complexe d’œdipe. Par conséquent, le refoulement et la culpabilité l’ont déjà considérablement éloigné des objets qu’il a désirés à l’origine. Ses rapports à ces objets ont subi des modifications et des déformations, de telle sorte que les objets d’amours actuels sont des imagos des objets primitifs. » Dans le jeu l’enfant invente divers personnages et met en scène à travers eux ses imagos. En acceptant d’endosser les rôles hostiles et en interprétant les imagos anxiogènes liées au surmoi précoce et archaïque, l’analyste permet un accès à la diminution du conflit intrapsychique : ce dernier se déplace vers le monde extérieur, la personnification constitue une première forme de sublimation.

Melanie Klein, montre enfin, à travers l’exemple du jeune Dick, comment l’analyse des phases précoces de la formation du surmoi, grâce au jeu, dessine des perspectives de traitement de la psychose. 

L’intérêt de ce livre dépasse largement la question des analyses d’enfants puisque les principaux concepts kleiniens (position dépressive, mécanismes schizo-paranoïdes, identification projective, interprétation du transfert négatif, importance accordée aux angoisses précoces) y sont présents et illustrés par des exemples cliniques.

Adeline Ducasse