Les paradoxes du pardon 

de Nicole Fabre, Éditions Albin Michel, 2007

Nicole Fabre interroge, en prenant la mesure du poids de notre héritage judéo-chrétien, la notion de pardon, indissociable de la notion de faute et du sentiment de culpabilité. Elle passe en revue les problématiques de l’absence de culpabilité et de la culpabilité pathologique qui peut aller jusqu’à l’impossibilité d’accueillir le pardon de l’autre et de se pardonner à soi-même.

Une des difficultés dans le pardon est qu’il y a contre-sens possible sur l’objet, la place de l’acte coupable, ainsi que sur la personne à qui on demande pardon : « à qui faut-il demander pardon et de quoi ? ».

L’aveu de la faute commise constitue généralement une étape essentielle vers le chemin du pardon, mais il n’est pas toujours suffisant. Il est le signe qu’a émergé la notion de responsabilité, mais il n’est pas forcément suivi par une demande de pardon et/ou par un pardon accordé.

Du côté de la victime, pour que le pardon puisse être donné, il faut que les reproches à l’encontre du coupable aient pu être formulés, sans être vécus comme culpabilisants. C’est là un des paradoxes du pardon. Nicole Fabre en relève un autre : « pour pardonner, il faut faire mémoire du mal subi et en conserver le souvenir ». On sait combien les victimes cherchent parfois à oublier, absolument, dans un mouvement défensif. Or, l’accès au souvenir, éventuellement aidé par le travail analytique, permet d’accéder au reproche, à l’accusation, à la désidentification d’avec l’agresseur : bien que douloureux, il est essentiel.

L’auteure pose finalement la question du pardon impossible, du pardon à accorder à l’impardonnable, évoquant notamment les crimes perpétrés par les nazis lors de la Seconde Guerre Mondiale. Citant Derrida, elle se retrouve face au paradoxe suprême : « le pardon n’a de sens que face à l’impardonnable ». Existe-t-il alors quelque chose qui puisse se trouver « au-delà du pardon » ? Nicole Fabre voit en l’amour et en notre humanité profonde les seules issues possibles, inscrivant définitivement la notion de pardon au-delà du champ de la morale.

Cette réflexion riche et sensible puise sa matière dans la littérature, l’Histoire, la philosophie, mais aussi dans le vécu des patients de la psychanalyste, lestant ainsi le propos de cette dernière d’une réelle authenticité. On retrouve dans cet écrit tous les questionnements face auxquels se trouvent confrontés coupables, victimes… patients et analystes.

Adeline Ducasse