En changeant d’année on rêve d’enterrer ses mauvaises habitudes et on se promet de donner le jour à une version de soi améliorée : plus sportive, plus mince, moins accro au tabac ou au smartphone, plus organisée, etc.
Le hic c’est que neuf fois sur dix, arrivé février, on se rappelle à peine des promesses formulées avec une sincère détermination quelques semaines plus tôt.
Pourquoi un tel flop ? Comment l’éviter ?
On se donne souvent des objectifs trop élevés et/ou trop nombreux car on aspire à un changement rapide et radical. Rien de plus normal. Mais on se lance ainsi dans une mission impossible car le changement est un processus qui nécessite du temps, donc de la patience et des avancées pas à pas. Nos habitudes sont en effet solidement ancrées en nous : elles sont construites à partir de notre histoire et elles rythment notre quotidien depuis des mois, voire des années. Elles ne se sont pas installées par hasard mais pour répondre à des besoins : nous rassurer, nous divertir, combler un manque, nous sentir en lien, aimés, etc. En abandonnant une habitude, si nous ne la remplaçons pas par une autre, nous nous retrouvons avec un besoin non satisfait. C’est très inconfortable et déroutant, le risque de « rechute » est alors important.
Face à un comportement que l’on souhaite modifier ou arrêter il faut donc d’abord repérer le besoin profond auquel il répond. Une fois ce besoin identifié on pourra chercher une nouvelle réponse, un nouveau mode de fonctionnement plus satisfaisant. Par exemple : je veux arrêter de fumer pour être en meilleure santé. Une bonne approche peut être de commencer par se questionner : pourquoi je fume ? Qu’est-ce que ça m’apporte ? Quel besoin profond je comble avec le tabac ? Puis de réfléchir concrètement à une alternative : comment combler ce besoin autrement, avec une activité moins nocive pour mon corps ? Laquelle ? Quand ? Comment ?
Deux éléments sont alors essentiels : se trouver une activité plaisante, pas question de s’infliger des punitions, des privations excessives ou des corvées (on ne tient jamais plus d’un mois), et se faire un plan d’action raisonnable, progressif et concret.
Une autre raison qui explique que nous ne tenons pas nos bonnes résolutions est que nous ignorons ou sous-estimons parfois la puissance de nos forces de frein au changement. Une partie de nous est résolument déterminée à changer, mais une autre, plus inconsciente, cherche à maintenir l’ancien système de façon mécanique, réflexe : le connu est toujours plus simple, facile et rassurant que l’inconnu et la nouveauté. Cette partie qui fait de la résistance peut s’exprimer sous diverses formes : manque de temps, baisse de motivation, craquages, etc.
Dans ce genre de moment il peut être bon de repérer ce qui se joue, d’avoir une forme d’empathie pour cette partie, de se pardonner (c’est normal de chercher à se réfugier dans ce que l’on connaît) puis de ne pas être trop complaisant avec soi-même (en gros cela revient à se dire : « OK, je comprends : mon vieux système veut reprendre le pouvoir parce que c’est dur de faire différemment et de tenir… pour autant je ne lui laisse pas les pleins pouvoirs et je reprends les rennes pour me guider là où j’ai envie d’aller. »).
Cette question amène naturellement à un troisième élément qui peut expliquer la faillite de nos bonnes résolutions : nous manquons de bienveillance avec nous-mêmes. Dès la première entorse à la ligne de conduite idéale que l’on s’est donné on peut baisser les bras et tout laisser tomber (« foutu pour foutu… »), ce qui est fréquemment une occasion d’alimenter un discours négatif sur soi : « Quel nul je fais, incapable de volonté sur le long terme », etc.
C’est d’ailleurs bien souvent par manque de bienveillance envers soi que l’on se donne dès le début des objectifs trop élevés. On part d’un défaut qu’il faudrait gommer, d’un manque qu’il faudrait combler… de quelque chose de négatif. On se dit rarement : « L’an passé, j’ai fait ceci-cela de neuf et c’était super, ma bonne résolution est tout simplement de continuer dans cette voie, de cultiver cet aspect positif et inattendu de moi. »… et c’est dommage parce que ça, ça marche très bien ! Commencer l’année en mettant l’accent sur quelque chose qui cloche est trop déprimant alors que chacun a développé au cours de l’année révolue une compétence nouvelle, une façon d’être au monde qui l’a rendu heureux, ne serait-ce qu’une heure. C’est peut-être cette petite graine qu’il faut aider à germer au fil de l’année à venir…
Adeline Ducasse